YardBird Suite (Charlie Parker) – Apprentissage au piano, amours et désillusions

Bloquer la voix de l'auto-jugement et aimer tout ce que vous jouez au piano, "Parker" ou pas.

Cet article donne un aperçu de quelques mois passés cette année aux côtés du standard de jazz bebop « Yardbird Suite » de Charlie Parker.

Une sorte d’aventure dont je raconte un peu l’histoire ici.

D’ailleurs, les aventures avec les morceaux que j’apprend à jouer me semblent souvent s’apparenter à des aventures « amoureuses », avec des phases attachement, illusion, lune de miel, désillusion, ruptures et retrouvailles heureuses. C’est assez curieux, je dois dire.

A la fin de l’article je vous propose aussi deux versions du morceau à écouter absolument, une instrumentale et une chantée… Si vous avez d’autres suggestions, n’hésitez pas à m’en faire part!

Origine du nom « Yardbird Suite »

« Yardbird Suite est un standard de bebop composé par le saxophoniste de jazz Charlie Parker en 1946. Le titre combine le surnom de Parker « Yardbird » (souvent abrégé en « Bird ») et une utilisation familière du terme de musique classique « suite ». La composition utilise une forme AABA de 32 mesures. »

Extrait et traduit du site en.wikipedia.org

Le choix d’accords au piano (vidéo mémoire digitale)

Pour plus détails sur la logique générale du choix des accords pour harmoniser un morceau vous pouvez lire l’article dédié: « Comment choisir les accords au piano et comment les étudier« .

Ci-dessous vous trouverez la vidéo « lente » de « YardBird Suite » avec iRealPro réglé à 120 bpm. Il s’agit encore d’une petite vidéo de référence pour ma bibliothèque personnelle d’apprentie pianiste (la liste actuelle est disponible ici et/ou sur la chaine Youtube LePianoAgile).

J’ai dit une vidéo lente, même si les accords semblent défiler à toute vitesse à 120 bpm, car c’est du Bebop ne l’oublions pas. Donc, ça serait idéalement du 224 bpm, à en croire la grille du RealBook.

La vidéo faisant office de mémoire digital, je vais pouvoir laisser respirer ce morceau. Un moment de séparation non définitive, je l’espère, tout du moins- sans risquer d’oublier comment m’y prendre avec lui, quand ça se sera calmé entre nous. Je vais ainsi arrêter de le triturer. C’est que j’ai encore en travers de la gorge le massacre lors de la première jam après la rentrée d’octobre. Je n’avais rien d’autre de vraiment prêt pour pouvoir jouer, alors j’ai remis ce morceau sur le tapis. Après tout je l’avais déjà joué plusieurs fois en public. La fois de trop ? Peut-Être. Ca ne m’empêche pas de soupçonner le batteur d’avoir accéléré, tellement j’avais l’impression de courir derrière. Comment savoir, me direz-vous.

A noter sur la vidéo

  • Les accords utilisés pour l’expo du thème sont souvent des accords avec fonda et style « piano solo ». Merci à Sylvain mon prof de piano à la Bill Evans Piano Academy qui voulait me faire bosser! arg!
  • Pour le reste (impro, accompagnement) c’est plutot des accords piano de groupe sans fondamental (« rootless voicings », en anglais). Pour plus de détails voir l’article consacré aux Positions d’accords – comment les choisir et comment les étudier.
  • J’ai aussi ajouté des extraits souvenir de la jam du stage de Vauvert. Ainsi que l’impro initialement censurée par l’éditrice (ndlr: moi même et mon auto-jugement). 
Démo en images: accords en notation américaine et numérotation des positions – YardBird Suite (Charlie Parker) – expo thème et accords piano de Groupe

Rappels

  • Dans la vidéo les accords sont en notation américaine. Les positions choisies sont indiquées à l’aide des notes de chaque accord (1357). Pour plus de precisions sur ces notions voir l’article TOP5 de connaissances théoriques utiles en piano jazz.
  • Si nécessaire, vous pouvez baisser le tempo dans l’appli Youtube. Allez dans le menu des trois petits points en haut à droite de la vidéo, puis choisissez vitesse de lecture. Cela ne marche pas sur un navigateur web, seulement dans l’appli.
  • Vous trouverez des ressources (grille, accompagnement audio…) pour vous entrainer à jouer ce morceau ici: YardBird Suite (Charlie Parker)- Ressources.

Je fais la connaissance de Yardbird Suite

C’est lors des atelier trio l’année dernière que j’ai découvert ce morceau. Les élèves contrebassistes du prof de trio – Jacques Vidal, contrebassiste lui même- devaient apprendre à jouer le thème . D’après ce que je comprends: des questions de rythme, phrasé, débit, en font un thème d’étude fort intéressant.

J’apprends à connaitre le morceau

J’aime bien son style que je trouve « cool ». Et, à première vue la grille ne me semblait pas trop compliquée. J’ai commencé à l’apprendre dans mon coin avec les voicings groupe.

Seulement, comme je l’ai déjà dit, je soupçonne mon prof de Piano d’avoir fait exprès de me donner des positions piano solo pour l’exposition du thème. Ca a rendu la tache plus difficile, je tiens à le dire :p.

De toute façons le thème descend assez bas dans les graves, il fallait donc trouver des solutions pour les accords à la main gauche. Le but étant d’éviter de jouer le thème une octave plus haut (ça ne rend pas pareil n’est-ce pas?).

Quoique sur ce point précis, les pianistes et profs ne me semblent pas être tous du même avis. Tant mieux – ou tant pis?- pour les apprenties pianistes qui n’en ont alors que plus de choix.

Pas plus vite que la musique

Parfois, j’ai beau essayer de passer plus de temps avec le même morceau, il y a des choses qui prennent du temps à s’installer: s’intégrer au niveau des mains et des méandres du cerveau. C’est en particulier vrai quand j’essaye des positions d’accord style « piano solo ».

Je ne sais pas si c’est le cas pour d’autres apprentis pianistes. Parce que c’est vrai que je consacre quand meme plus de temps à m’entrainer pour jouer en trio, mais peut être aussi que le piano solo est plus exigeant car vous êtes tout seul à devoir tenir la baraque. Oui, c’est très probablement un peu des deux.

J’ai donc dû étaler mes efforts dans le temps. J’ai approchais le thème très lentement; au début 4 mesures par 4 mesures, puis par partie: A1, A2 puis B. Et ce, pendant plusieurs mois. En parallèle je côtoyais d’autres thèmes histoire de faire bonne présence aux ateliers trio hebdomadaires, et que Yardbird suite puisse progressivement se préparer à y prendre part.

Plus vite le Bebop « Parker »

J’ai appris, longtemps après avoir commencé Yardbird Suite, que ce genre de thèmes Bebop sont toujours joués à vitesse « hypersonique » ou presque. Il était trop tard pour faire machine arrière -ça aurait été dommage!- j’avais dans l’idée que je pouvais le jouer à un tempo raisonnable -pour moi- et que ça ferait peut-être ressortir le coté mélodieux du thème. Le problème c’est que les musiciens aguerris qui vous accompagnent ne sont pas toujours du même avis.

Quand j’ai commencé à avoir le thème dans les mains, je l’ai joué en atelier, puis dans une jam des élèves, puis finalement après moult hésitations je l’ai choisi pour le concert de fin d’année. J’avais tant bien que mal réussi à le faire à ma vitesse lors des 2 ou 3 ateliers (comme je disais, les musiciens ont la fâcheuse tendance à s’emballer lorsqu’il s’agit d’un thème Bebop), alors pourquoi pas mener l’experience un niveau au dessus. J’imagine que c’est purement psychologique, mais je trouve qu’un concert est tout de même beaucoup plus stressant qu’une simple jam entre élèves à l’école.

Je joue Yardbird Suite au concert de fin d’année des élèves

Sur la péniche Le Marcounet où a eu lieu le concert des élèves, il y avait un piano droit. Un Schimmel, je crois, qui restait de marbre malgré la chaleur étonnamment étouffante pour une fin de mois de Mai. Il m’a vraiment semblé très dur alors que l’assistance fondait, littéralement, sous la chaleur générés par les rayons de soleil estival qui inondaient la salle comble de la péniche.

Quand ce fut enfin mon tour, après une très longue et pénible attente (plus j’attend plus le trac s’installe), aux out de seulement quelque s meures j’avais l’impression que mes doigts restaient collés aux touches. Comme lorsque les mains sont plus ou moins anesthésiées par le froid et les mouvement deviennent plus lents.

On ne peut évidemment pas s’entrainer sur le piano avant le concert. On arrive et on attend notre tour puis… ça passe ou ça casse. Je comprends mieux maintenant pourquoi certains pianistes se déplacent avec leur propre piano pour les concerts. D’autres exigent une marque et un modèle précis pour accepter de se produire quelque part.

Les différences entre pianos

D’ailleurs, depuis l’expérience du premier concert de fin d’année j’essaye régulièrement de m’entraîner sur des pianos de marque différente. Il y a trois marques de pianos droits aux Studios de Musique de la Cité Universitaire où je me rends au moins une fois par semaine pour m’entrainer sur des vrais pianos.

Ils ont un Schimmel dans un des quatre studios individuels, mais qui ne ressemble pas à celui de mes souvenirs du concert, même s’il a un toucher relativement conséquent. Ma préférence va quand même au Yamaha U1, puis ce Schimmel 120T vient en deuxième position. Le toucher du Kawai K500 me semble trop mou et les aigus un peu trop brillants – je n’en raffole pas. Et pour ce qui est du Petrov 250 je n’arrive pas à me décider, je le prend en 3ème option seulement.

Pour revenir au concert des élèves, quoiqu’il arrive on s’accroche comme on peut jusqu’à finir le morceau. C’est ce que j’ai fait. Mais j’étais distraite par la sensation de découvrir un piano si dur à croquer. Un peu aussi par le micro installé au dessus pour amplifier le volume du piano, et qui faisait parvenir le son de l’autre bout de la salle où se trouvaient les hauts-parleurs. Etranges sensations qui avec le trac vous font même capter, comme un radar, le bruit ambient et le pas des gens qui vous passent autour pendant que vous jouez.

La voix de l’auto-jugement

Pendant que je jouais, mes pensées se laissaient emporter par la petite voix du diablotin qui s’acharne dans ces cas-là sur mon épaule – inquiet du risque qu’on puisse se rendre ridicule.

Cependant, je dois dire, qu’il y a eu à chaque étape du parcours, tout au long de l’année, beaucoup de satisfaction. Celle qu’on ressent à l’idée d’avoir franchi un pas: le premier atelier et les suivants, la première jam et toutes les jams de la première année, le premier concert des élèves.

Ce premier concert de fin d’année n’a pas été l’exception. J’étais très fière de l’avoir fait même si je n’étais pas très contente de mon ressenti global pendant que je jouais le morceau.

Et, en général, ce fameux ressenti lorsque je joue reste assez variable et presque « aléatoire ». Ca a beau être le même morceau, j’ai beau me dire que plus je le joue mieux je devrais le jouer… ce n’est pas vraiment comme ça que ça se passe.

Je reste assez sensible à tout ce qui pourrait m’influencer, que ce soit avant de jouer ou pendant que je joue. C’est un point auquel je réfléchi souvent. Je pense que ça sera le sujet d’un futur article, tant la problématique m’interpelle.

Parfois, nous avons la chance de rencontrer quelqu’un qui nous pousse à croire en notre propre capacité musicale. Personne ne peut le faire à notre place, mais ça fait en bien fou d’avoir un reflet positif et bienveillant de temps à autre, et ça peut aider à remonter la pente plus vite après une déception.

Je joue Yardbird Suite en Jam Jazz à Vauvert

Apres le concert de fin d’année et les derniers ateliers au mois de juin, j’ai enchainé au mois de Juillet avec une semaine de stage de Jazz à Vauvert. Stage intense et sympathique avec trois jams prévues dans la semaine.

J’ai réussi à placer Yardbird Suite lors de la deuxième jam. D’ailleurs, le prof qui dirigeait la jam – contrebassiste aussi – semblait interloqué par le fait que quelqu’un connaisse et propose de jouer ce morceau. Et moi qui croyais que c’était un grand classique parmi les étudiants de jazz! Le fait est qu’il n’y a pas eu d’autre volontaire -parmi les stagiaires « soufflants »- pour jouer le thème ou faire un solo.

J’ai fini par me dire que c’est surtout les contrebassistes qui étudient ce morceau, haha ! comment savoir! Il faudrait que je fasse une petite enquête: Connaissez-vous Yardbird Suite de Charlie Parker? Ou alors, avez-vous l’impression de l’avoir déjà entendu? Et à ceux qui répondent par l’affirmative: Mais quel est donc votre instrument principal?

Ceci dit, rendez-vous à la fin de l’article pour les versions à écouter, et vous me direz si vous aussi vous le connaissez.

Les imprévus et l’improvisation

Parenthèse fermée pour les questions d’enquêtes, je me trouvais soulagée au moment de la jam à Vauvert, car je pouvais jouer le morceau tel que je l’avais préparé, c’est à dire en trio et en exposant moi même le thème au piano.

C’est que voyez-vous, très souvent le moindre petit changement peut me perturber au point de me faire quasiment oublier un morceau, ou certaines de ses parties. Il se présente sous un air étranger, inconnu pour ainsi dire.

J’ose espérer que ça ira mieux avec le temps et l’experience. Car après tout, s’adapter aux imprévus et le propre de l’improvisation. Et, que ce soit dans le Jazz, dans les musiques latino-américaines, et dans la vie en général… « c’est mieux quand on improvise »… et ce n’est pas moi qui l’ai dit.

"La vie ressemble beaucoup au #Jazz, c'est mieux quand on improvise" #GeorgesGershiwn #citation #quote #LePianoAgile #XKeyAir #iPhone

Publiée par Le Piano Jazz Agile sur Mercredi 18 décembre 2019

Le piano numérique en jam

Le piano dans la salle où avaient lieu les jams à Vauvert, était cette fois un piano numérique tout simple. Vous pouvez voir le fameux piano dans les extraits inclus dans la video.

Il bougeait dans tous les sens et le son était assez irrégulier selon l’endroit du clavier où on jouait (on entendait pas très bien les graves mais certains aigus pouvaient vous couper le souffle par leur ardeur).

En plus, le toucher n’était pas de ces fameux « toucher lourd » qui font augmenter le prix et la côte d’un piano numérique. C’était juste un toucher mou de clavier numérique. J’ai trouvé que c’était plus facile de bouger les mains de façon fluide mais alors qu’est-ce qu’il fallait faire abstraction des irrégularités du son!

En plus, ça semblait représenter tout de même un double avantage pour moi:

  1. Mes mains n’étaient pas ralenties par la dureté du clavier,
  2. Et, à cause de l’irrégularité du son, j’ai du déconnecter la partie du cerveau qui juge -pendant que je joue- de la qualité du son de ma prestation.

C’était très agréable! Et de ce fait, je me suis laissée entrainer par l’enthousiasme contagieux de Marc, le stagiaire batteur (un pianiste pro!) qui avait bien voulu m’accompagner avec Salem, le bassiste attitré de la jam. D’ailleurs Marc souriait souvent en jouant, comme s’il s’amusait (!).

L’absence d’auto-jugement au piano

On aimerait que ça se passe comme ça à chaque fois! que ça coule, que ça roule… que la petite voix s’eclipse et ne fasse plus qu’une seule et unique entité fluide avec la musique.

Et c’est ce qui m’amène à citer ci-après quelques extraits du livre « Effortless mastery » que je suis en train de lire.

En plus, ces mots me rappellent, encore une fois, que je ne suis pas seule face à cette problématique de l’auto-jugement :

« Nous devons bloquer la voix de l’auto-jugement dans notre tête avec une foi absolue. Si vous pouvez entendre vos notes comme étant belles, elles seront belles. Même celles qui sont laides !

Vous devez abandonner le besoin de bien jouer. Sinon, vous ne pourrez pas vraiment lâcher prise !

En enlevant du cœur tous les désirs générateurs d’anxiété, il ne reste plus que la perfection. »

Extrait et traduit du livre « Effortless Mastery » de Kenny Werner

L’art de jouer relax

L’absence d’auto-jugement n’est bien sur qu’une étape. Mais elle permet d’être dans des meilleures dispositions pour apprendre, d’avoir plus de ressources disponibles pour l’essentiel du travail pendant la préparation d’un morceau.

« Au moment où il est devant le public, le musicien ne doit penser à rien, ne douter de rien, ne rien appréhender: il doit plutôt se couler dans la musique sans stress aucun, un état parfait de liberté mentale et physique…

Et comment y arriver? … Lorsqu’il répète, le musicien doit intégrer au maximum tous les paramètres techniques qui lui permettront — c’est la clé — de n’y plus penser devant le public… La pensée est l’ennemi de la performance. Elle est par contre essentielle lors de la répétition. »

Extrait de « Kenny Werner, ou l’art de jouer relax… », Guillaume Bourgault-Côté sur le site ledevoir.com

Version piano par Bud Powell

Yardbird Suite version chantée par Cyrille Aimée

Je pense que c’est un morceau instrumental à l’origine, mais j’avais quand même réussi à trouver une version chanté que j’aimais beaucoup, par la chanteuse américaine Anita O’day. Malheureusement la video sur Youtube est devenue indisponible et je ne l’ai plus trouvée.

C’est alors que quelqu’un m’a parlé de la version de la jeune chanteuse française Cyrille Aimée, que je vous laisse découvrir ci-dessous…

Paroles Yardbird Suite (Charlie Parker / Eddie Jefferson)

It’s hard to learn / How tears can burn one’s heart

But that’s a thing that I found out

Too late I guess, / Cause I’m in a mess

My faith has gone … / Why lead me on this way?

I thought there’d be no price on love / But I had to pay.

If I could perform one miracle

I’d revive your thoughts of me

Yet I know that it’s hopeless / You could never really care.

That’s why I despair!

I’ll go along hoping / Someday you’ll learn

The flame in my heart, Dear,

Forever will burn!

Extrait du site lyricsplayground.com

Le mot de la fin

Amusez-vous bien! Et si vous avez des questions ou des remarques laissez-moi un commentaire ci-dessous .

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