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Que ce soit pour le piano, la musique ou pour beaucoup d’autres disciplines, la croyance générale encore très présente est que nous devons avoir un talent « inné ». Sans cela il serait inutile de s’attarder sur un sujet qui nous intéresse, même si nous avons très envie d’en apprendre plus.
Peut être par naïveté -car la croyance s’attaque aux enfants de leurs plus jeune âge-, ou par manque d’information, les gens se laissent décourager et renoncent à certaines de leurs envies créatives de cette façon là: parce qu’un jour quelqu’un leur a dit que…
Et l’histoire se répète… la question revient sans cesse: est-ce que j’ai le talent qu’il faut pour apprendre le piano?
L’envie d’apprendre et le talent – innées ou acquis?
Ci-dessous quelques lignes extraites de deux ouvrages et qui ont pour moi un goût de vérité irrévocable.
Elles vont dans le sens de l’écoute de soi, et la responsabilité que nous avons de prendre en charge nos propres envies, en faisant abstraction des jugements extérieurs.
« Le simple fait que nous soyons intéressés et enthousiastes à l’idée de faire quelque chose est tout ce dont nous avons besoin, c’est de l’inspiration sous nos yeux, nous suppliant de faire attention à ce que nous ressentons.
Par conséquent, nous devons changer notre conscience afin de prendre note de notre stimulation, plutôt que de l’opinion des autres.
Nous devons ignorer les résultats obtenus à certains tests standardisés ou, pire encore, notre propre inventaire d’expériences passées qui nous ont amenés à conclure que nous n’avons aucun talent et que nous sommes incapables de quelque chose »
Extraits de « Inspiration: l’appel de votre vie » par Wayne Dyer
« Et il est certain que vous pouvez faire ce que vous désirez faire ; le désir de le faire est la preuve que vous avez en vous le pouvoir capable de le faire… ».
« Le désir de jouer de la musique est le pouvoir de jouer cette musique et qui cherche à s’exprimer et se développer ».
« La Science de l’enrichissement » par Wallace D. Wattles
Le talent et l’enseignement musical au collège
Un de mes fils m’a dit un jour lorsqu’il était en 6ème, qu’il fallait qu’il s’entraine à la flute pour remonter sa moyenne en musique. Il avait déjà eu une note en dessous de la moyenne de la classe à l’évaluation de chant.
Du retour qu’il avait eu à l’évaluation de la part du prof, mon fils avait globalement retenu qu’il ne pouvait pas (ou ne savait pas?) chanter. Même s’il y arrivait à peu près dans les graves, il n’arrivait pas à chanter dans les aigus.
« Mais je n’y peux rien car ma voix est grave!…. tant pis!, je me rattraperai avec la flute», m’a t-il dit avec une pointe d’énervement comme si c’était moi qui lui avait demandé l’impossible.
« As tu demandé à ton prof de musique de t’apprendre comment chanter dans les aigus? Est-ce qu’il vous a expliqué comment travailler la voix? ou comment on passe en voix de tête pour chanter dans les aigus? vous a-t-il donné un exercice à faire ?». Je lui posai toutes ces questions même si je connaissais les réponses.
Cette anecdote était pour moi la confirmation que la croyance d’un talent musical inné semble encore bien présente dans notre société. Je constatais avec regret qu’elle continue d’être transmise à la génération de mes enfants!
Intimidée par les préjugés sur le talent musical
J’avais 15 ans quand j’ai décidé de prendre mes premiers cours de piano.
J’étais allée au delà des croyances autour de l’âge idéal pour commencer le piano qui m’avaient tracassée au début… mais je ne soupçonnais même pas que les croyances autour du talent allaient me porter un tel coup.
Les obstacles matériels : un piano et le prix des cours
J’ai préféré d’abord discuter de la possibilité d’avoir accès à un des pianos dans le lycée que je fréquentais. L’affaire était bouclée, je pouvais venir les après-midi. On me prêterait un piano pour m’entrainer. Ca m’a donné le courage nécessaire pour demander l’argent à mon père.
Un piano prêté, mais trop peur que quelqu’un m’entende
Je devais commencer par travailler au piano la sonate pour Elise de Beethoven. Je trouvais la mélodie très belle. Mais je m’entrainais très peu. Je m’entrainais aussi avec l’angoisse que toutes les soeurs du lycée qui mettaient le studio à ma disposition puissent m’entendre.
C’est drôle – enfin, pas vraiment-, mais des années plus tard la même angoisse reviendrait au sujet des voisins… ou toute autre oreille susceptible de m’entendre jouer en passant.
Le risque imaginaire était qu’on vienne me dire que je n’étais pas faite pour le piano et que mon enthousiasme se voit ainsi piétiné.
Mais, mon enthousiasme en a pris un coup quand même, à force de tant de tension et peur d’être prise au fait. Mais au fait de quoi au juste?!
Mon cerveau toussotait dans l’atmosphère lourde et pesante de mes propres conflits existentiels.
Le piano: des compétences à developper
Personne n’est jamais venue frapper à la porte de la petite salle où se trouvait ce piano sur lequel je pouvais venir m’entrainer.
Et pourtant, je n’ai pas réussi à me détacher de cette image des religieuses gênés par le bruit de mes balbutiements erronées sur les touches du piano. Et le poids du fardeau imaginaire consommait toutes mes ressources.
J’aurais voulu m’entraîner dans un endroit isolé ou personne pourrait m’entendre. Toutes mes ressources étaient littéralement « bouffées » par la peur de rater cette occasion d’apprendre. La peur qui disait que si on m’entendait quelqu’un découvrirait très vite mon absence totale de prédisposition naturelle pour la musique et le piano.
J’aurais voulu savoir à l’époque que nous devons tous commencer par le début. Que je n’avais pas encore acquis les compétences, mais qu’il suffisait de continuer à travailler avec « confiance » et si possible un peu de « sérénité », afin de faciliter le processus.
La peur d’être démasqué par le prof
Au centre Yamaha, j’avais une jeune prof de piano, les cheveux courts, à l’allure un peu masculine. Elle portait des petite lunettes rondes à la monture épaisse et foncée qui lui donnaient un air d’intello.
Une fois je l’ai aperçue au loin qui attendait sur le quai de Metro, après le cours. Elle portait un grand instrument de musique dans son étui noir.
Visiblement le piano n’était pas son seul instrument. Une vrai musicienne, me disais-je sans vraiment arriver à saisir ce que cela pouvait bien vouloir dire dans les faits: où jouait-elle ? était-ce son métier principal? était elle étudiante?
En tout cas, je me disais qu’elle devait certainement en avoir de ce fameux talent.
Ma grande peur était de ne pas avoir de « talent ». A chaque fausse note, à chaque hésitation, à chaque gaucherie sur le clavier je craignais la sentence qui pourrait s’abattre sur moi. La prof allait déclarer haut et fort le verdict final: pas faite pour le piano, n’a pas ce qu’il faut, n’a pas sa place ici.
Un jour où rien ne marchait pendant mon cours, j’ai tapé avec frustration un peu fort sur le clavier… elle n’a pas du tout apprécié, bien évidemment. Elle a lancé une petite phrase que j‘ai trouvé un tantinet ironique.
Je l’ai peut-être imaginé. Ou peut-être ma peur de ne pas avoir du talent, de ne pas avoir ce qu’il fallait, cherchait continuellement confirmation dans tout ce qu’elle disait…
On interprète tellement souvent ce qui arrive, ce qu’on voit et ce qu’on entend selon le filtre de nos propres difficultés!
Mais je crus quand même comprendre dans sa phrase, que de toute façon la frustration n’aiderait en rien, comme si c’était un cas perdu pour moi, et surtout que je devais respecter le matériel.
Je cherchais une certitude, une validation extérieure, une autorisation pour me jeter à bras perdus dans mon envie d’apprendre le piano, sans me poser des questions inutiles. A l’époque je ne savais pas que ce n’était pas à l’extérieur que je devais chercher cette validation.
L’évaluation, une torture lorsqu’on est pas encore prêt
Au bout des quelques séances alors que mon talent n’était visiblement pas encore au rendez-vous, il y avait déjà une première évaluation. Un inspecteur serait là avec moi à la place de ma prof habituelle pour procéder à l’évaluation. Je devais simplement lui montrer ce que j’avais travaillé.
Je l’ai vécu comme un moment de torture où se jouait l’enjeu de mon talent où de son absence totale.
Après la visite de l’inspecteur, j’avais tellement honte de moi – de la honte! vous imaginez?! Et aussi tellement peur qu’on me dise que c’était sans espoir…
Je ne suis plus revenue. J’ai préféré ne rien savoir des résultats de l’évaluation.
La fin de la première aventure pianistique
C’est ainsi que j’ai arrêté ma première aventure amoureuse avec le piano, non sans regret. Je me disais qu’il valait peut être mieux ainsi. Car je ne devais pas avoir ce fameux talent pour le piano.
Ou alors, je m’étais trompée à propos du préjugé sur l’âge et c’était peut être vrai que j’étais déjà beaucoup trop âgée pour ça… et la boucle était bouclé. J’étais prise au piège de mes doutes et des préjugés et revenue au point de départ de mon précédent article Y a-t-il un âge pour apprendre le piano?
Ce n’était pas la dernière fois que ces questions me mèneraient en bateau faire des petits allers-retours sur le fleuve de mes envies.
Les encouragements extérieurs
Je ne le savais pas à l’époque mais il n’est pas très courant d’arriver à trouver à l’extérieur les encouragements que l’on aimerait avoir pour soulager nos peurs et incertitudes. Cela ne m’est arrivé pour l’instant qu’en de très rares occasions.
Une rencontre en particulier fut décisive dans ma vie. Celle avec un prof qui croyait de façon irrévocable en la capacité musicale de chaque être humain. Il ne s’agissait pas d’avoir du talent pour apprendre le piano ou pas, mais de notre envie et notre engagement.
J’en parle dans l’article: Croire en notre capacité musicale envers et malgré nous.
Influence négative des croyances sur le talent inné
Les gens qui se montrent décourageants ont parfois peur, je crois, surtout nos proches, de nous voir échouer dans ces moments où l’illusion prend le dessus.
La motivation des moins proches à nous décourager, presque sans faire exprès, m’intéresse franchement moins mais c’est comme s’ils nous trouvaient aveuglés par l’espoir et voudraient nous faire voir leur réalité à eux, la seule qu’ils semblent concevoir.
D’autre part si c’est aussi difficile de se sentir encouragé par l’entourage dans les moments de doute c’est aussi parce que tant que nous sommes sous l’emprise des émotions, nous ne sommes pas en mesure d’entendre et de croire ce qu’on nous dit.
Et ceci est vrai même si on se trouve face à quelqu’un avec une ouverture d’esprit suffisante, et qui connait les étapes du processus d’apprentissage. Ainsi que les capacités qu’ont les être humains d’apprendre et progresser à tout âge.
Le changement de perspective
Dans mon cas ces incertitudes reviendraient à maintes reprises, mais avec autant de force plus de 20 ans après… quand j’allais enfin me donner moi même l’autorisation d’apprendre parce que j’en avais envie tout simplement.
Et surtout parce qu’on a qu’une vie… et qu’on se doit d’honorer le temps et les opportunités que cette vie nous offre. Qu’en pensez-vous ?
Exercice et questions
- Si vous vous dites à haute voix: « J’ai du talent. J’ai beaucoup de talent. Je suis vraiment talentueux », qu’est-ce qui se passe en vous?
- Vous êtes-vous déjà laissé arrêter par les préjugés à propos du talent « inné » ? Quelle est votre opinion à ce sujet aujourd’hui? Pensez-vous qu’on peut le cultiver ce fameux talent ou pas?
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